COULEURS - Nuances et Pigments
Au Japon, on dit que chaque mois de l’année a sa couleur, qui chacune se décline en un nuancier subtil. Le noir emprunte au « corbeau » ou à « l’encre de Chine », le vert peut être « bambou » ou « forêt », et le bleu oscille entre le « céladon » des céramiques et le « prussien » des estampes.
La sensibilité aux couleurs y est telle, que le violet pourpre – murasaki – servait à distinguer les rangs de la noblesse de cour sous Heian (794-1185) et inspira à une célèbre courtisane son nom de plume : MURASAKI Shikibu. À l’époque Edo (1603-1868), la palette vestimentaire des bruns et des gris était si riche, que l’on parlait des « 48 nuances de bruns et 100 nuances de gris ».
Au pays des automnes rougeoyants et des printemps rosés, les couleurs révèlent une part de l’âme japonaise : son lien organique et spirituel avec la nature et son goût pour les émotions minimalistes.
Ainsi la teinture traditionnelle, qui a donné son nom à une nuance du bleu, profonde et mystérieuse : l’indigo, fierté des artisans de l’île d’Awaji (préf. de Hyogo) et de Tokushima, dont on teinte le coton des yukata (kimono léger), des samue (tunique de travail), mais aussi des créations de grands couturiers. Au Japon, il se décline en une douzaine de tons, du pâle bleu de l’eau dans une bouteille (kamenozoki) au sombre cyan des océans.
Aussi éclatante que l’indigo est profond, la teinture bingata est un trésor artisanal d’Okinawa. Grues, poissons tropicaux, fleurs d’hibiscus ou de prunier, ses motifs sont riches, dans un dégradé de rouges.
LE BLANC PARFAIT
La blancheur poétique, qui évoque la neige ou la Lune, la porcelaine ou le riz, est une couleur à part au Japon. Elle caractérise l’oshiroi, un fond de teint traditionnel, que des artisans produisent aujourd’hui encore, à Kyoto, avec de la poudre de riz, et que l’on applique à l’aide de brosses artisanales de Tokyo, les Edo hake. Des feuilles absorbantes, appelées aburatorigami, peuvent ensuite servir à matifier le blanc (comme tout fond de teint utilisé au quotidien).
Le château de Himeji évoque un oiseau à l’envol, d’une couleur blanche comme la neige. On le désigne comme le « château du héron blanc », aussi éclatant que celui de Matsumoto est sombre : le « château du corbeau » est l’une des rares forteresses noires du Japon.
Crédit photographique
Milieu : porcelaines, © Arita porcelain lab